A propos de Sommier Claude
Le 22 juillet 2014 dernier, cela faisait 5 ans que le pianiste martiniquais Claude Sommier nous a quittés à l’âge de 57 ans dans un hôpital parisien. Il souffrait depuis une dizaine d’année d’une maladie de dégénérescence musculaire qui l’avait successivement privé de l’usage de ses bras puis de ses jambes.
Né à Fort-de-France en Martinique, Claude Sommier quitte l’île alors qu’il n’a que deux mois, avec ses parents qui partent s’installer à Paris. Il apprend le piano au Conservatoire, mais, même s’il décroche des prix d’interprétation classiques, c’est déjà le jazz qui l’attire. Il l’apprend en autodidacte, et en plus, se met à d’autres instruments, guitare, saxophone, ce qui l’aidera plus tard dans son travail de composition.
Il joue dans quelques clubs et bars pour s’aguerrir, mais se lasse très vite de rabâcher « Night in Tunisia » pour les touristes de la capitale. Tant et si bien qu’une fois le bac en poche, Claude laisse tomber complètement la musique pour se consacrer à ses études, (il confie tous ses instruments à un ami musicien !). Il rentre à la faculté de médecine dont il en sortira médecin généraliste, tropicaliste puis urgentiste. Après cinq ans d’études, Claude Sommier n’y tient plus, rachète un piano, et se lance de nouveau avec frénésie dans la musique, travaillant plusieurs heures par jour pour retrouver son niveau, et même rapidement, le dépasser.
Il monte son premier trio professionnel en 1979, avec Francis Dewader (dms) et Stéphane Cognac (cb). Cette même année, ils jouent en première partie du trio Humair Jeanneau Texier lors d’un concert au Forum des Cholettes. En 1980, Claude participe à l’album « Creole Gypsy » de Roland Brival.
A noter que Claude est issu d'une famille de musiciens et qu’il a étudié le piano classique jusque 16 ans et que c’est à cet âge qu’il découvre le jazz à l’écoute des disques de Monk, Charles LLoyd, Mc Coy Tyner. Devenu chez lui une vraie passion il la met rapidement en pratique au travers de quelques concerts. Lesquels lui valent le « parrainage » de certains musiciens oeuvrant à Paris au premier rang desquels Daniel Humair.
De retour en Martinique en parallèle à son activité de médecin, il monte Obidjul avec notamment Eric Lefort et le percussionniste Majama Fall . L’orchestre s’installe tous les soirs au Balafon. Ces musiciens feront de ce club « le » lieu des années 80 de la musique improvisée à Fort de France. Claude Sommier enregistre à cette période avec des musiciens importants de la Caraïbe : Eugène Mona, Toto Bissainthe, Roland Brival. Dans cette veine « West Indies » Claude monte un autre orchestre Djoa en 1985.
A la tête de ce quintet qu’il qualifie lui-même de « métis-jazz » il remporte plusieurs prix : le concours de Jazz de la Défense, avec à la clef pour lui un prix de composition. Le concours international de du festival Jazz à Vienne lui permettra de partager la scène avec Monty Alexander, accompagné du « pianiste » Othello De Molineau.
La sonorité des steel drums, représente une véritable révélation pour lui. A titre personnel il voit dans le mélange harmonique entre le piano et le « steel-pan », instrument caractéristique de Trinidad la cristallisation des spécificités rythmiques et mélodiques du jazz labellisé caribéen. A la tête de son orchestre Djoa Claude Sommier enregistre son premier album Pigment avec notamment le concours du saxophoniste de Sainte Lucie (île voisine de la Martinique) Luther François, Marc Michel (b) et Ramon Lopez (dm). Un second album intitulé Credo Créole suivra en 1991 rassemblant cette fois André Villéger (sax, cl), Marc Michel (cb), François Laizeau (dms) et Xavier Desandre Navarre (perc).
Sur la lancée de ces albums Djoa écume les festivals et grandes scènes de l’hexagone. A ce titre Jeff Sicart, Pierre Olivier Govin, Sydney Thiam, Abdou M'boup, Bago ou Lionel Belmondo partagent l’aventure. En 1993 Claude Sommier reçoit des mains de Gonzalo Rubalcaba un troisième prix de composition au Concours International de Jazz mis en place à Fort de France par le CMAC de Martinique. Le troisième album du groupe Calalou voit le jour en 1996. Au sein d’un sextet renouvelé figurent à ses côtés le saxophoniste Jean-Marc Larché ainsi qu’un invité emblématique Annise Hadeed virtuose des steel drums et véritable star de Trinidad. Au début des années 2000, une pathologie sévère lui interdira progressivement de jouer du piano.
Plusieurs tournées et concerts se trouvent de ce fait annulés. Très fidèles, les musiciens du groupe Djoa se mobilisent déjà à l’occasion du festival de Paris avec le concours Andy Emler au piano. Dans le même esprit d’aide et de soutien le festival de Jazz du CMAC lui rend hommage en l’invitant pour assister à un concert spécial. Les compositions de Claude y sont interprétées par Andy Emler, Alex Bernard, Luther François, Allison Marquis, et Ricardo François.
Puis le groupe légendaire en Martinique, Fal Frett et sa propre compagne se joignent à l’hommage rendu sur scène. « Avec une force incroyable, tant qu’il en a eu la force Claude s’est efforcé d’écrire de la musique » témoigne son ami Mario Canonge « Dans la liaison entre la musique antillaise et le jazz Claude a été très loin » En 2007 Universal Jazz a réédité deux de ses albums, Pigment et Credo Créole dans son label Héritage.
Source : Texte de Philippe Pilotin